Pour Montier « La peinture est un chant de l’écart. Ce qui n’est, à l’origine, qu’une intention devient une image incarnée ». Un paysage, un visage étirent leur vide à l’infini, un vide disponible, jamais rassurant puisqu’il porte en lui un potentiel de changement. Toutefois les surfaces « tachées » ne sont pas des marécages ou des terres grises de fins de partie. Elles montrent ce qui ne peut se dire dans un dialogue particulier : il reste en effet solitaire comme l’artiste le rappelle à travers une citation de Char : « On ne partage pas ses gouffres avec autrui, seulement ses chaises. »
Guillaume Montier indique une zone de glissement vers une rencontre décalée. Il s’agit peut-être ainsi de conduire le sujet-regardant vers les défilés de l’inconscient. Plus question de se « défiler ». A chaque point frontière se répète la question non d’un enlisement mais d’une émergence. Donner à voir passe alors à travers les blancs et les couleurs. Une frontière existe encore entre un dehors et un dedans, un après et un avant mais s’éloigne des formes ordinaires de pseudo-préservation.
Peindre provoque la présence particulière de l’existence dans les plis d’un tissu, les rides d’un visage – empreintes muettes de l’inéluctable, et du temps. Par son silence l’image interroge la vie. Elle ne la dérobe pas plus qu’elle l’enrobe – sinon avec la même ambiguïté qu’une femme après l’amour. A l’aune d’une telle approche,  le regardeur ne peut plus s’en remettre au même mais à l’écart. Le seuil n’est plus un leurre mais une jouissance ce qui n’empêche pas la gravité du rapport avec la vie et la mort. La confrontation est agissante dans la reconstruction d’instants.
Jean-Paul Gavard-Perret